La course!
Objectif ultime de ce voyage, c'était ma première coupe du monde de triathlon sprint. Et pour la 1ère fois, cette course était en format drafting (sillonage en bon français. Autrement dit on était autorisé à rouler en peloton à vélo. Ce format de course favorise les bons nageurs (aille...), défavorise les bons cyclistes (re-aille....) et favorise les bons coureurs (yéééé). Ici, il est temps de mettre les choses au clair tout de suite...Ce ne sont pas tous les meilleurs au monde qui sont présents hormis les élites bien sûr. Dans certaines courses qualificatives, au Canada du moins, il y a plus de places offertes pour se qualifier que de participants...Et même dans mon cas ou j'avais fini 2ème sur 30 à Magog en 2015, ce n'étaient pas tous les meilleurs au Canada ni même au Québec qui étaient présents. Mais, bon ils avaient qu'à être là :). Ça sera un beau voyage et le niveau global est tout de même plus fort qu'une course au niveau provincial!
Doug, le propriétaire du condo que j'ai loué pour les 3 jours précédents la course (j'y reviendrais plus tard) me dépose à 5h30 du matin sur le site. Il fait nuit, le site ressemble à celui d'autres courses, les athlètes aussi, les premiers gestes dans la transition, le commentateur au micro, après 10 années de tri, je suis très familier avec tout cela. Mais je ressens une fébrilité supplémentaire, il y a de l'électricité dans l'air, un parfum de magie qui me rappelle que c'est un moment spécial que je m'apprête à vivre. Je suis au Mexique pour la 1ère fois et veut veut pas c'est une coupe du monde :) Je vais nager dans la mer des caraibes, j'ai mon nom sur le maillot aux couleurs du Canada, il y a des athlètes de plusieurs pays (Costa Rica, Mexique, Allemagne, Angleterre, États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande...). Ca y est j'y suis! Cette course à laquelle je pense et me prépare depuis des mois est là devant moi...Ma plus grosse hantise est de prendre tellement de retard en natation que je ne pourrai refaire mon retard par la suite et de finir dans le dernier tiers des concurrents de ma catégorie...De plus il fait déjà une chaleur incroyable, 30 degrés au thermomètre mais plus de 40 avec l'humidité. Certains dégoulinent déjà de sueur juste à installer leurs affaires dans la zone. Moi ça va, j'ai juste l'impression d'être en mijotage dans un four.
NATATION 750m
14 minutes
75ème temps/85 (une chance je ne le savais pas...)
Objectif initial = Nager le plus vite possible sans faire n'importe quoi.
Cette saison, ma meilleure nage était au demi Ironman de Tremblant car l'intensité était modérée et je parvenais donc à mieux appliquer ma technique. Lors de mes 6 triathlons sprints en 2016, j'allais à fond afin d'aller le plus vite possible mais je faisais finalement des temps plus lent qu'auparavant car je faisais n'importe quoi...Entre 14'50 et 16min50...La veille j'avais fais la boucle tranquillement et avais pu avoir un rappel que l'eau de mer est salée :)
Après un mini échauffement, j'attends dans l'eau le long de la rampe en silence, concentré. À côté des gars jasent et rient. Je me sens un peu con sur le coup de pas en faire de même mais je suis dans ma bulle. Compte à rebours, la pression monte, ça a beau être mon 24ème triathlon en distance sprint c'est seulement mon 3ème en drafting et c'est une 1ère coupe du monde!
BANG! Départ en sprint bien sûr, pas de coups bizarrement mais je vois bien que le pack s'éloigne assez vite devant.
Je navigue plutôt bien et me retrouve côte à côte avec un 'ami' mexicain. Comme on nage à la même vitesse, je décide de le laisser passer pour le drafter. Ca fonctionne assez bien! A la 2ème bouée il file. Je le remonte puis me retrouve de nouveau à ses côtés. On nage vraiment proche donc je dois faire aller mon bras très haut dans les airs pour pas rester bloquer dans le sien. Nouvel bouée, il est à la corde et passe devant, je le draft de nouveau jusqu'à la fin.
T1
2min13
3ème temps/85!!!
Je sors de l'eau et sprint littéralement vers la zone qui est à 2 ou 300m. Je laisse sur place mon ami du mexique ainsi qu'un panaméen. Tout se passe bien, casque-lunettes en vitesse et c'est parti. Sans le savoir j'ai remonté 4 position.
VÉLO 20km
29min56
43ème temps/85
Objectif initial : Accrocher un groupe rapide de la vague précédente...
Malheureusement je suis seul au début du parcours vélo. Inutile de foncer comme un débile comme c'est le cas dans une course sans sillonnage. Comme au duathlon esprit drafting 5 jours plus tôt, je roule en jetant un oeil vers l'arrière (allez les amis, on pousse, venez rouler avec moi...). Voici mes 2 acolytes qui se pointent. Ha non...il y a bien le mexicain mais pas de panaméen. Le second est un compatriote! Étonnamment ce dernier a encore un pied nu au-dessus de son soulier...ça tirera pas fort sur la pédale ça...Je démarre...Léger coup d'oeil sous le bras, ca suit pas...ouf...ça va être long. J'encourage mon groupe et ralenti un peu. Mon compatriote prend le relai. Mais avec son pied toujours sur le soulier, sa prise de relai qui dure plus d'une minute, son absence de geste du coude pour laisser sa place et sa cadence à moins de 80 rpm ça regarde vraiment mal...Au tour du mexicain de prendre le relai...allo...allo!! Y a quelqu'un...non, el senoir reste tranquillement dans la roue. Je prend donc le relai. On joue a ce jeu la pendant qq minutes puis on rattrape un 4ème larron. Je luis indique d'embarquer avec nous mais il ne peut suivre. J'aperçois un autre cycliste plus loin devant. Je me met donc debout sur mes pédales et sort de ce groupe (fort sympathique mais avec qui la performance ne sera pas au rendez-vous...) pour aller rouler avec ma nouvelle recrue. Même déception, il ne roule vraiment pas. Devant il n'y a plus personne à perte de vue. BON! ça va mal mes affaires...J'attends à nouveau les 2 de derrière et nous formons un groupe de 4. C'est alors qu'un miracle se produit! En fait pas vraiment puisque je m'y attendais...Nous sommes au 7ème km et j'entends le bruit d'un train qui remonte derrière nous...Comme prévu, ce sont les leaders de la vague précédente (H50-54 ans) qui nous rattrapent! Je ne réfléchi même pas et je saute dans le train en un petit coup de 20/20 (les gens que j'entraînent comprendront...).
C'est là que ça devient surprenant. Le groupe est mieux organisé, les relais sont plus cours et je me retrouve en avant rapido. Après avoir donné 5 ou 6 coups de pédales en avant, j'entends un gars littéralement hurler...''GET OUT OF HERE!!!!!''. Je continue à pédaler...
''GET OUT OF HERE!!!! YOU'RE SLOWW!!!! GET OUT!!!'' What!!!...C'est à moi qu'on parle ou plutôt qu'on vomit ces mots là?? Je laisse le relai. Je descend le long du groupe et probablement un ami de Trump (du nom de Collins) poursuit sont beuglement en me regardant ''GET OUT! YOU'RE NOT IN MY RACE! YOU'RE NOT IN MY AGE GROUP!!', Pas le goût de m'ostiner avec lui dans ce groupe de 6-7 coureurs qui roulent à 40-45km/h. Je sais que le règlement m'autorise à rouler avec eux. Et il termine par (toujours en hurlant) ''STAY AT HE BACK!!!!'' A parfait! Tu veux pas de mon aide! Tirez-moi jusqu'à l'arrivée à cette vitesse avec moi qui roulent à peine à 200 watts, le rêve!! Puis il beugle sur le groupe que le demi tour du 10km s'en vient. En sortie de virage, chacun relance debout sur ces pédales et le groupe se reforme. J'évite de prendre mon tour de relai et on poursuit qq minutes. Soudain, vers le 12ème km, l'avant dernier (devant moi) montre des signes de faiblesse et nous commençons à perdre le groupe. Très mauvais ça! Surtout réagir très très vite...si je laisse un écart de qq mètres un groupe qui roule au-dessus de 45 mon chien est mort! (Pas Collins, l'américain...non, c'est une expression québécoise!). Debout sur mes pédales encore! Un gros coup d'accélérateur (530 watts) pour le passer immédiatement et recoller au groupe. Les jambes brûlent après qq coups de pédales mais je recolle. Ça roule en osti! Quel pied! Cette fois, je décide de prendre mon relai quoi qu'en dise l'autre taré...Je pousse pas mal, 10-15 secondes pas plus puis je fais mon geste du coude et me décale légèrement sur la gauche. Cette fois Collins est calmé. Il doit avoir les jambes qui chauffent et s'est peut-être aperçu que je suis capable de rouler avec eux et de les aider dans leur tâche...Ça envoie à chaque prise de relai et on rattrape un petit groupe de H45-49. Mes concurrents directs sont laissés sur place! Oh yeah! Ça de moins à doubler en course. Au km 18 ou 19, on rattrape encore un autre groupe de ma catégorie. Ils roulent en troupeau et prennent toute la place...Et devinez qui a hurlé pour leur dire de dégager...YEP! Mon ami Collins! Il leur somme de faire de la place au plus sacrant...les groupes s'entremêlent, des écarts se font sur les côtés, je frôle la roue d'un concourent et doit faire un bon écart à mon tour pour éviter un cône orange qui partage la route en deux...petite frayeur mais ça passe. Mes heures passées sur les rouleaux cet hiver ont peut-être sauvé ma course...Mais ceux-là restent avec nous et on arrivent tous en coeur à la transition. Après cette frayeur je suis plus conservateur à la toute fin et me retrouve en arrière de tout ce beau monde.
T2
1min06
Les jambes sont moins bonnes qu'à la sortie de natation car mes dernières prises de relais à 350-400 watts ont affectés mon aisance légendaire! Je récupère mon ''Tempo trainer'' coincé depuis le début de la course sous mon trisuit afin de sauver 2 secondes en transition! Toujours sans le savoir je sors de T2 à la 61ème place...j'ai donc doublé 'seulement' 10 concurrents dans ma catégorie...beaucoup moins qu'habituellement dans mes courses sans drafting, je m'y attendais puisque tout le monde roule en groupe...
COURSE
19min35
11 meilleur temps/85 en fait sur 81 car 3 ont abandonnés et 1 a été disqualifié...
Objectif initial : Tout donner!
C'est à ce moment là que j'ai vraiment senti la chaleur accablante me frapper! En vélo avec le vent ça ne paraissait pas. Mais le sachant j'avais pris la peine de passer à travers presque 2 bidons quand même. Je repère mon premier adversaire en avant et lets go, va le chercher!! Je n'ai pas de montre avec moi car en natation, on ne voit rien, en vélo drafting c'est soit all out pour 10-15secondes soit en arrière à forcer suffisamment pour rester dans le groupe...et en course anyway faut vider le réservoir! J'en passe un puis deux puis trois. C'est fou! Je m'aperçois rapidement que le monde jog autour de moi...Sont-ils plus affectés que moi par la chaleur? Ont-ils trop poussé sur le vélo...Pas le temps d'élaborer de théorie à ce sujet, je reprends le focus sur ma technique de course et mon objectif d'en avaler le plus possible...Après 1km, j'ai perdu le compte de dépassement. J'attrape aussi qq 50-54 ans qui avaient nagé plus vite que moi. Il fait tellement chaud! Je me demande si je vais pas exploser tout comme ce concurrent australien qui ne résiste pas plus que les autres :)
Ma stratégie est toujours la même lors d'un dépassement. Toujours mettre un tout petit coup d'accélérateur pour que le concurrent doublé ne pense même pas à embarquer derrière moi, cassant un peu son moral par la même occasion. Oui je sais c'est pas gentil. Mais je crie sur personne et c'est une compétition, pas un cours de cuisine communautaire :) 2km...OMG j'en suis pas encore à la moitié...Je rattrape aussi qq canadiens dont l'un que je connais bien et que j'encourage au passage. Il avait fini devant moi aux championnats canadiens alors je suis content de pouvoir prendre le dessus cette fois :) 3km...Est-ce que ça va finir!! Les suivants sont un peu plus loin, j'accélère pour aller les chercher mais je sens que le corps dit non après 15-20 secondes, retour à ma vitesse donc, c'est parfait ça veut dire que je suis à la limite...Je double à nouveau un concurrent puis qui je vois soudain au loin??? Mon 'ami' Collins! M'en vais te chercher mon petit tabarouette!
Lui c'est plus dur...il court plus vite que les autres. Soudain, j'entends mes amis sur le bord qui m'annoncent que je suis probablement 2ème canadien et que l'écart se réduit de beaucoup avec lui. Je continue de pousser. Le dernier km est très difficile, moins de coureurs à passer, Collins de plus en plus proche mais pas encore attrapé et mon canadien hors de ma ligne de mire. 400m final je sprint pour aller chercher un anglais que je coiffe clairement sur le file mais à mon grand désarroi il sera mis devant moi au classement...En même temps finir 30 au lieu de 31ème ça change rien...
J'en profite pour rattraper Collins juste après la ligne...il doit sûrement se dire en me regardant que je méritais ma place dans son groupe en vélo ;) Il finira 2ème de sa catégorie. Ok, podium en coupe du monde c'est un king...Mais le respect en compétition ne fait visiblement pas partie de ses valeurs. Dommage, l'énergie qu'il a brûlé à gueuler sur tout le monde lui a peut-être couté la victoire? En tout cas, j'ai donc le niveau en vélo et en course pour un 2ème de coupe du monde dans la catégorie des 50 ans! Ah et oui! Je termine 31ème au final sur 85, j'ai donc passé 31 coureurs de mon groupe d'âge sur 5km...Pas peu fier! :)Résultats complets :
http://www.triathlon.org/results/result/2016_itu_world_triathlon_grand_final_cozumel/305980
Amis
Lorsque vous dîtes à des amis en janvier que vous avez une compétition à Cozumel en septembre prochain et qu'ils se proposent de passer un séjour là-bas avec vous pour vous encourager, vous savez que vous avez des vrais amis! À mon arrivée au Québec il y a 14 ans un cliché circulait souvent au sein de la communauté française...celui des québécois qui sont très gentils aux premiers contacts mais avec qui les relations restent superficielles et qu'il est donc très difficile de créer des liens d'amitié profonds...C'est faut bien sûr. Les voici donc!
Ha non, ça c'était l'équivalent de nos écureuils à Montréal...Tu les prends en photo et tu dis ''hoooo comme ils sont mignooonnnns!!!'' à ton arrivée. Pis 3 jours après tu les traite de môdits ptits tabarnouches car ça fait 3 fois qu'ils tentent de te chiper le contenu de ton assiette! Non, voici mes 3 supporteurs! Ex collègues de mon ancienne vie à Loto-Québec et toujours amis : Laurent, Sylvain et Nicole.
Alors à tous les 3, UN GRAND MERCI! Pour votre soutien et pour les excellents moments de délire qu'on a passé ensemble! Que de ''private jokes'' on rapporte avec nous :
- ''Excusez-toi'' du commis injustement accusé de vol par Sylvain à l'aéroport,
- Les ''ooohhhhh.....'' et les ''ouaaahhhh....'' du guide de la cenote,
- les après-midi à l'urinoir...Pour celle là, voici une photo 'explicative'
Non toujours pas saisie? Et bien mettons que quand je vois des gens...boire pendant plusieurs heures...le cul dans l'eau...sans quitter le bar...donc sans se rendre aux toilettes!!!! Ça y est...bon. Next.
- L'étape de séduction numéro 2 du monsieur au bar!
- Mais surtout la blague de Sylvain sur Jean-Luc qui fait arrêter le bus les menant à l'excursion et qui en descend car le chauffeur fumait une cigarette alors qu'on était à 1h de route de l'hôtel!
Si vous allez à Cozumel un jour, voici un logement et un hôte parfaits!
Mon condo!
Je ne suis pas allé à l'hôtel de Team Canda (ça se place bien dans une phrase ça...) car je voulais bien sûr faire ma propre bouffe végé...Doug, retraité américain expatrié à Cozumel, était mon hôte. Il gère aujourd'hui une grande résidence avec plusieurs condos à 1km du centre-ville de San Miguel et 6km environ du site de la compétition. C'est bien simple, je n'ai jamais eu un hôte aussi serviable et attentionné. Il m'a dit qu'on était une équipe et qu'il ferait tout pour servir la réussite de ma course. Voyez plutôt!
- Lift à mon arrivée du ferry vers le condo
- Lift vers l'épicerie puis relift 40 minutes plus tard à la sortie de l'épicerie
- Lift la veille de la course après mon bike checkin
- Lift le matin de la course à 5h15!
- Lift pour me déposer au ferry
En plus, une dame venait tous les jours pour me proposer de faire le ménage (j'ai refusé...pour 3jours franchement) et me laver mon linge (il fallait bien que j'accepte qqchose :). Logement propre et fonctionnel le tout pour 89$/nuit...L'hôtel de Team Canada coûtait 1600$/personne pour partager une chambre pour la semaine, sans le transport sur place et encore moins le vol de et vers Montréal...
Il me reste 2 jours pour relaxer à la playa! Malheureusement l'excursion qu'on avait réservé pour visiter un minimum a été annulé à la dernière minute.
Et voilà, Bye Cozumel...cette course qui était sur mon calendrier pendant 13 mois...c'est fini. Un gros défi que j'ai bien surmonté et qui va me servir comme ancrage pour ma confiance à l'avenir. J'ai maintenant plein de nouveaux rêves dans la tête. À commencer par le mythique marathon de New York dans moins de 2 mois!
Wow, belle course. T'as tout une bonne mémoire pour enregistrer tout ces détails pendant ta course pour en faire un beau récit. Merci. En passant Laurent fait-il partie de tes supporteurs/amis Québécois :-) Bon Marathon à NY. Signé un autre ex-Loto-Q. Yves.
RépondreSupprimerJ'ai lu chacun des mots de ton récit et me dis que tu pourrais écrire un livre... Franchement, Jean-Luc tu es une personne vraiment spéciale, et je suis fière de faire partie de tes amis québécois superficiels...
RépondreSupprimerFélicitations pour ce triathlon, car même comme spectateur ont avait de la difficulté à composer avec la chaleur, alors image,toi...
Intéressant! Ça donne le goût de compétitionner
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